En grandissant, Cecil ne s’est jamais connu d’autre famille que son frère aîné, Matthew. Matt était le type le plus génial du monde. Tous deux, et par miracle, ont pu traverser ensemble les familles d’accueil, depuis les quatre ans et demi de Cecil, à ses 16 ans, date anniversaire où Matt, ayant enfin conquis sa majorité, a pu s’établir tuteur de son cadet et s’occuper entièrement de lui. En attendant, les deux frères ont fait les quatre cent coups et s’arrangeaient à chaque fois pour se faire expédier de foyer en foyer. Une délicieuse traversée de l’Amérique. De nouvelles écoles, de nouveaux « parents », mais toujours le même repère, Matt, qu’il aurait suivit jusqu’au bout du monde s’il avait fallu.

La première chose qui traumatisa réellement Cecil fut, à l’âge de dix ans, lorsque les instituteurs de l’école primaire du Minnesota, école dans laquelle il était scolarisé alors, lui donnèrent un morceau de papier déclarant qu’il était avancé. (On aurait voulu dire « surdoué », mais il n’a jamais accepté que ce terme soit utilisé devant lui.) Son premier reflexe fut de se débarrasser de cette terrible nouvelle. Comprenez bien : il se trouvait déjà relativement singulier en étant le seul enfant qui n’avait pas de réels parents et ce, dans toutes les écoles qu’il fréquentait. Il n’allait pas, en plus, se retrouver être le plus jeune dans chacune des classes dans lesquelles on l’envoyait !
Le deuxième traumatisme fut le jour où Matt lui annonça qu’il s’était engagé dans l’armée, et qu’il lui faisait confiance pour se débrouiller seul lorsqu’il serait sur le terrain. Nous étions en 1991 et Cecil avait 18 ans. Son frère et lui avaient emménagé depuis deux ans à Ithaca, dans l’état de New York, afin que notre jeune Finch puisse étudier les classes de Biologie, Chimie & Biologie Chimique ainsi que la Physique, matière pour laquelle il avait toujours eu un certain faible, de l’université de Cornell, dans l’état de New York. A l’époque, ils partageaient tous deux un rythme de vie relativement dingue : entre ses 40 heures de cours hebdomadaire et le temps passé à la bibliothèque, il travaillait dans une supérette afin de contribuer aux dépenses de leur maigre foyer. Matt, quand à lui, cumulait les jobs pour l’aider à payer ce que la bourse qu’on avait attribué à Cecil deux ans plus tôt ne couvrait pas. Lorsqu’ils se retrouvaient le soir, c’était souvent autour d’une boîte de conserve réchauffée dans une casserole, notre petit intello plongé dans ses livres, échangeant quelques mots avec son aîné dans une maigre conversation souvent coupée court par la sonnette de la porte d’entrée qui annonçait la venue de la groupie du moment : Matthew était très populaire auprès de la gente féminine.

Au départ de son frère, il se retrouva livré à lui même, âme dévoreuse de savoir. A 21 ans, il fut donc diplômé et major des trois cursus qu’il suivait, ce qui lui valu les félicitations du jury et des propositions de jobs à tire-larigot. Mais sa seule obsession était alors Matt et c’est pourquoi il s’engagea lui aussi sur le front. D’abord, il fut le porteur de radio : avec une vie passée dans les bouquins, on n’a pas le temps de se muscler. Puis, il apprit à porter son AK-47. Puis à s’en servir. Oh, bien sûr, il n’aimait pas la guerre, mais lorsqu’il repensait à cette période de sa vie, il la voit comme l’époque où il a pu se rapprocher de son frère. Il se sentait alors comme les autres. Buvait comme un soldat, fumait comme un soldat (et ne s’est d’ailleurs jamais débarrassé de cette mauvaise habitude), et s’est fait tatouer comme un soldat (sur le bras, un signe d’équipe qu’il regarde tous les matins avec une certaine mélancolie.)
Et puis, vient l’année 96. Nous étions tout juste en train de célébrer la nouvelle année lorsque Cecil fut blessé à la tête. BAM. Un sifflement suivit d’un trou noir. Matt remue le camp afin qu’il soit rapatrié d’urgence au pays. Il se réveillera deux semaines plus tard, dans un lit américain, son frère à ses cotés qui lui hurle dans l’oreille « Mon frère est devenu un hooomme ! » Depuis, Cecil souffre d’insomnie et de migraine chronique. Il accepte un job de scientifique dans une base militaire américaine située en Californie. Est envoyé deux ans plus tard en Amérique du sud, ou il apprend l’espagnol et le portugais. Part s’exiler ensuite en Russie, à Samara, où durant son temps libre, il se développe une passion pour les jeux vidéo et l’héroïc fantasy (on s’occupe comme on peut). Il y restera cinq ans, spécialisant ses recherches sur les armes chimiques et les virus. Etablissant des thèses, suivant le programme strict de l’armée, afin de cultiver son coté militaire et de toujours avoir des sujets de conversations avec Matt, lorsque celui-ci daigne le rappeler. Pendant ses mois de vacances, il se rend à l’université de médecine Russe de Riazan, afin de prendre des cours de psychophysiologie, afin d’en apprendre plus sur le cerveau humain, et ainsi de tenter de découvrir une solution chimique à ses maux de crâne permanents.

C’est finalement en 2003 qu’il se décidera à retourner aux Etats-Unis, pour bosser pour une organisation de recherche anonyme. Il lui faudra trois ans avant qu’il ne s’aperçoive que le labo pour lequel il travaille est loin d’être aussi inoffensif qu’il voudrait lui faire croire. Matt, son frère, lui annonce la nouvelle alors qu’ils sont tous deux dans une boîte de nuit. La musique est à fond, et personne ne peut les entendre. Il apprend alors que l’aîné des Finch est, depuis, devenu agent de la CIA. Et qu’il enquête justement sur l’entreprise pour laquelle il est employé. Nous sommes en 2006, et Cecil reçoit, par son frère, la proposition d’être un agent double. Oh… en premier lieu, il refuse, bien entendu. Se demande si Matthew n’a pas abusé de quelconques stupéfiants. Ne croit pas en l’idée de la CIA. Et puis, lorsque les preuves deviennent indéniables, il finit par accepter.

Tout d’abord, il doit nier toute parenté avec Matt, couper tout lien avec lui. Dans son milieu professionnel, son frère est connu sous le nom de Marc Stevens, alias, Catseyes (ce qui est un alias un peu féminin à son goût, mais bon...). Puis, il doit continuer à travailler pour des personnes, qui, utilisent des personnes comme lui pour pourrir encore plus la planète. Génial. Mais notre protagoniste finit par se prendre au jeu. Son frère lui manque, mais il est à la place en contact avec un agent de liaison, qui lui donne ses missions.

Et puis, en 2011, Cecil vit finalement son plus grand traumatisme. Au milieu de la nuit, il entend frapper à la porte du logement de fonction fourni par Manticore : deux militaires lui annoncent que Matt est mort. Et qu’il laisse derrière lui deux enfants, de dix et six ans : Jeremy Matthew Finch, dit ‘Jems’ et Jean Louise Finch, autrement appelée ‘Scout ‘. Cecil en fit tomber sa cigarette : « Euh… attendez, mon frère n’avait pas d’enfants, ce doit être une erreur… Et puis… euh… Où est la mère ? Ne peut-elle pas s’occuper d’eux, je ne peux pas les accepter, moi ! ».

Mais non, comme le lui apprit la lettre qu’il reçu environ une semaine plus tard, il n’y avait pas d’erreur. Depuis un an, Finch est donc chef de famille, ce qui n’est pas toujours facile. Il prend à présent d’autant plus soin de ne pas griller sa couverture, afin de protéger les enfants légués par son frère, et qui pensent tous deux qu’il n’est qu’un vulgaire prof de chimie dans un lycée privée de Washington.

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