Je m'appelle Lisa C. Warren. Je suis née le 21 mai 1966, à San Francisco. Je suis l'aînée d'une famille de deux filles et pendant longtemps, j'ai cru que je serais fille unique. Mon père, Robert Warren, était militaire. Il est mort, il y a 8 ans, en Irak. Ma mère, Louise, était éditrice. J'ai eu une enfance heureuse. Mon père était souvent absent et il me manquait, mais dès qu'il rentrait, j'étais contente de le revoir et j'aimais passer du temps avec lui. J'étais assez proche de ma mère, mais elle se montrait assez sévère avec moi. Elle a toujours été trop exigeante. A l'école, j'étais une élève sérieuse et studieuse. J'adorais l'école. Je pensais déjà à l'époque devenir enseignante. A l'époque, j'avais des rêves plein la tête, je croyais encore au prince charmant, je rêvais d'épouser un chirurgien, de vivre dans une magnifique maison et d'avoir de jolis enfant. Puis, c'est comme tout, on grandit et l'on se rend compte que l'on aura pas toujours ce que l'on veut.
A 18 ans, ma mère m'apprend qu'elle va avoir un bébé. J'ignorais qu'avec mon père, ils essayaient encore d'avoir un enfant. Je savais que ma mère avait fait de nombreuses fausse couche, je pensais qu'elle s'était fait une raison, mais non. Je n'ai pas été ravie de devenir grande soeur à 18 ans. Cette nouvelle ne m'a pas du tout enchantée. Je ne voulais pas de petite soeur. J'étais bien trop grande pour ça. A mon âge, des filles étaient déjà mères. Nous allions avoir bien trop d'écart. Je n'ai jamais pu être vraiment proche de Jennifer, ma petite soeur. Dès qu'elle est née, je suis partie pour l'université. Je ne vivais donc plus avec eux. Je venais la voir de temps en temps mais vu notre écart, je n'avais pas vraiment l'impression d'être sa soeur. J'ai fait ma vie de mon côté, sans vraiment me préoccuper d'elle. Je prenais des nouvelles et j'allais la voir de temps en temps mais nous ne nous sommes jamais confiées l'une à l'autre.
Après mon doctorat de langues, je pensais devenir enseignante dans un lycée, pour devenir professeur d'espagnol. Mais, une campagne de recrutement pour la CIA, m'a fait changé d'avis. J'ai donc postulé pour un poste. Entre temps, ne pensant pas être prise, je suis devenue professeur d'espagnol dans un lycée de San Francisco. Je suis restée enseignante plusieurs mois avant d'être prise à la CIA. J'ai suivi la formation pendant un an, faisant croire à ma famille que j'avais été mutée, en tant que professeur d'espagnol, dans une université à Washington.

Après ma formation d'un an, j'ai rejoint un service de la CIA, celui du renseignement, plus précisément, le Bureau d’analyses pour les régions Asie-Pacifique, Amérique Latine et Afrique. J'étais analyste dans ce service de par le fait que je parlais couramment l'espagnol et le portugais. Je suis restée dans ce service pendant 5 ans. L'on m'a ensuite proposée un poste pour aller pus sur le terrain. Il s'agissait de la division FARC du service anti-terrorisme. Cela me semblait intéressant et j’allais pouvoir partir sur le terrain. J'ai dû plusieurs fois faire des missions de longues durée en Colombie. J'ai dû faire croire à ma famille que je partais faire de l'humanitaire. Mes parents ne comprenaient pas ma décision. Pour ma mission, j'avais une couverture, je devais également faire croire que je faisais de l'humanitaire, que je travaillais pour une association. Je m'appelais alors Alicia Gardner. Je restai plusieurs mois en Colombie, puis je revenais ensuite plusieurs mois aux Etats-Unis. J'ai fait ça plusieurs fois. Je suis restée dans cette division pendant 6 ans. J'aurais pu restée plus longtemps, s'il n'y avait pas eu la mission de trop, celle qui a tout changé.

La dernière mission que j'ai fait en Colombie s'est très mal passée. J'ai été prise en otage par des FARC. Ils avaient, je crois compris, que je ne travaillais pas vraiment dans l'humanitaire et il m'accusait de mettre mon nez où je n'aurais pas dû le mettre. J'ai commencé par faire comme si je ne comprenais pas de quoi il voulait parler. Mais, ils ne comptaient pas en rester là. Ils voulaient savoir pour qui je travaillais, qui j'étais, qu'est-ce que je faisais là-bas. J'ai été torturée pendant 2 mois. A chaque fois, je disais la même chose, je le répétais sans cesse, "je m'appelle Alicia Gardner et je suis ici dans un but humanitaire." Je répétais toujours la même chose, à chaque fois, peut importe les tortures que l'on m'infligeait. J'ai été violée, enfermée dans une cage, je n'avais parfois rien à mangé, j'ai cru plusieurs fois me noyer, l'on m'a aussi arraché plusieurs fois les ongles. J'ai eu plusieurs doigts et côte de cassées et mon visage ne devait ressembler à plus rien du tout. Je me demandais quand est-ce que j'allais mourir, si ma fin était proche. Je subissais les tortures, en espérant que ma mort serait pour aujourd'hui. Puis, au bout de deux mois, l'on est venu me libérer. C'était des personnes de mon équipe. Ils n'ont pas réussi à coincer ceux qui m'avaient gardé captive pendant 2 mois, mais ils avaient pu me libérer.

J'ai été rapatriée aux Etats-Unis où je suis restée plusieurs semaines à l'hôpital. Les premiers mois de mon retour ont été un véritable enfer. Je souffrais d'un syndrome post-traumatique. Je pouvais rester plusieurs heures, assisse par terre, sans bouger, replier sur moi-même, en ayant peur du moindre bruit. La nuit, je me réveillai en sursaut et en sueur, je n'arrêtais pas de faire des cauchemars, revoyant sans cesse le visage de la personne qui m'avait torturée.
J'ai été en arrêt maladie pendant environ un an. J'ai ensuite repris mon travail à la CIA, mais j'ai demandé à changer de service. Même si j'étais de retour, je restais et je reste toujours traumatisée. J'ai ensuite rejoint le service national clandestin, dans la division interrogatoire. Je suis toujours agent dans cette division aujourd'hui et je la dirige depuis un an. Je suis devenue froide, méfiante. Je suis encore traumatisé par ce que j'ai vécu. Cette épreuve m'a changé.

Il y a quelques mois, ma soeur Jennifer a rejoint la CIA. Elle était surprise de me voir et moi aussi. Vu que c'est une nouvelle recrue, elle a besoin d'une personne pour la parrainer, pendant sa première année à la CIA, je suis donc sa marraine. Je ne l'avais pas vu depuis très longtemps, cela va être l'occasion de rattraper le temps perdu. J'ai vraiment envie de la connaitre. J'ai envie de plus profiter de la vie, maintenant que j'ai failli mourir. J'aimerai enfin ne plus être célibataire mais en même temps, le fait que je ne fasse confiance en personne m'empêche de m'ouvrir aux autres. Je verrai donc si je trouve un homme suffisamment courageux pour essayer de m'amadouer.
Je n'ai toujours pas tourné la page et je garde en mémoire ce qu'il m'est arrivé. J'ai envie de retrouver la personne qui m'a torturé et me venger. Je ne connais pas son nom, mais son visage me hante encore. J'ai envie de la retrouver et de lui faire payer tout ce qu'elle m'a fait, au point qu'elle me demande de l'achever. Je ne sais pas si ça m’apaisera mais je ne peux pas vivre en sachant qu'elle fait peut-être encore dû mal à quelqu'un d'autre.